Le transport aérien intérieur au Québec sous l’emprise d’intérêts qui empêchent l’émergence économique des régions éloignées.

Pour faire suite à la demande du député du comté québécois de René Lévesque, Martin Ouellet, concernant les tarifs aériens excessifs dans les régions du Québec voici quelques observations qui permettront au lecteur de comprendre comment furent créées, lors de la dérèglementation du transport aérien au Canada, des zones captives au bénéfice du monopole de transport aérien Air Canada. Ces observations découlent des représentations faites dans les années 90 à titre de porte-parole des Chambres de Commerce des régions disposant d’un aéroport régional au Québec et de président de la Chambre de Commerce Régionale de la Côte Nord. À l’époque, le groupement des Chambres de Commerce des Régions a retenu les services d’un expert en transport aérien régional, M. Serge Lebrun, PhD en économie des transports, ex-Vice-Président de Québecair et professeur en logistique des transports à l’Institut maritime de Rimouski, pour préparer des mémoires sur la problématique des tarifs aériens élevés dans les régions du Québec. Je crois qu’il serait pertinent pour les élus et les personnes concernés par la problématique de se familiariser avec ces mémoires et les nombreuses démarches faites auprès des instances gouvernementales provinciales et fédérales pour bien comprendre le point de vue des utilisateurs des régions et éviter d’être subjugués par les informations faussées par ceux qui bénéficient de l’existence des marchés captifs du monopole dans les régions. Il n’est pas nécessaire dans ce dossier de tenter de réinventer la roue ; elle existe. Ne suffit que de la faire tourner. En comprenant l’origine, l’histoire de la dérèglementation du transport aérien au Canada, il devient plus facile de mettre en place des solutions. Bien sûr cet exercice commande une rigueur et une détermination certaine des acteurs pour corriger la situation auprès d’organisations puissantes et influentes porteuses des désirs de la sacro-sainte approche mondialisante.

Des paradigmes faussés véhiculés par les médias métropolitains

Contrairement au paradigme véhiculé par quelques universitaires montréalais près du monopole : Il est faux de dire que les tarifs aériens en région sont élevés parce qu’il y a peu de passagers à desservir. C’est ce qu’un de nos voisins du sud appellerait une « Fake news ».

La vérité est précisément l’inverse : Il y a peu de passagers des régions qui peuvent encore se permettre de prendre l’avion À CAUSE des tarifs aériens excessifs devenus dissuasifs.

Voyez le document 1994-1 dans l’onglet « archive » du site. Vous verrez graphiquement le résultat des comportements prédateurs des alimenteurs sur le nombre de passagers en région qui a chuté entre 1989 et 1994 de près de 40% pendant que les tarifs augmentaient de 91% sur une même période où l’inflation était de 16%. Concrètement , pendant cette période, plus de 240,000 passagers ont abandonné le transport aérien sur les destinations régionales. 
Vous pouvez mesurer en quelques images comment le duopole Canadian et Air Canada puis le monopole Air Canada ont utilisé ces stratagèmes pour « écraser » la concurrence des transporteurs régionaux dédiés à leur clientèle. Ils ont obtenu l’aide des élus du parlement canadien, de leurs collègues fonctionnaires du Ministère des Transports du Canada (Air Canada était opéré par les fonctionnaires de Transport Canada jusqu’à la fin des années 80) et du Bureau de la Concurrence du Canada qui par sa formidable tolérance a permis la disparition de tous les transporteurs dédiés pour les remplacer par les alimenteurs (feeders) de réseaux internationaux de transport aérien. Les inspecteurs de ce bureau nous ont appris que la collusion pouvait s’appeler le « parallélisme conscient des prix », que la « sursaturation des marchés assortie de prix dérisoires » n’était pas une tentative d’éviction de la concurrence mais bien une politique prédatrice acceptable. Enfin l’instauration d’une tarification dissuasive de NAV Canada qui avantageait essentiellement les gros transporteurs au détriment des plus petits a contribué à rendre presque impossible l’émergence de nouveaux transporteurs régionaux non inféodés aux réseaux internationaux. Aujourd’hui, on aurait pu espérer que le Québec ait développé une concurrence sur ses marchés intérieurs, nous verrons pourquoi le gouvernement du Québec a soutenu la disparition des transporteurs régionaux et a permis jusqu’à ce jour, la mainmise du monopole sur les marchés captifs des zones éloignées de la métropole.

Un peu d’histoire sur la création du monopole par le gouvernement canadien

L’initiateur : Le gouvernement fédéral lors de la dérèglementation

Comprendre le concept de la création des marchés captifs pour comprendre les solutions.
Le gouvernement fédéral savait que les hauts salaires payés à ses fonctionnaires à l’emploi d’Air Canada avant la dérèglementation et la gestion laxiste des fonctionnaires ne permettraient pas à Air Canada de survivre comme entreprise indépendante dans l’univers concurrentiel des vols internationaux. Plutôt que de laisser s’exercer une saine concurrence suite à la dérèglementation, les fonctionnaires restants au Ministère des Transports du Canada ont préparé des lois pour le bénéfice de leurs ex collègues, obligeant ainsi les utilisateurs «obligés » sur les vols intérieurs, comme ceux de la Côte Nord, à supporter des tarifs excessifs pour permettre à Air Canada de baisser ses prix sur les vols internationaux vers le sud ou l’Europe entre autres. Le fédéral a utilisé l’aveuglement volontaire du Bureau sur la concurrence pour éliminer la concurrence. Enfin, en créant Nav Canada il a mis en place une formule de tarification des vols qui dissuade la desserte des passagers régionaux de la classe moyenne. On impose la facture par aéronef plutôt que de répartir les coûts par passagers. Les petits avions des régions qui doivent desservir avec escales paient donc le gros prix par passager alors que les gros porteurs paient un prix insignifiant par passager.

Bref ! Le fédéral utilise les régionaux pour financer l’absence de concurrence et le maintien du monopole aircanadien. Ils appauvrissent  ceux qui sont économiquement affaiblis par l’éloignement et politiquement insignifiants pour financer entre autres les bas prix pour les vacanciers vers le sud ou l’Europe où la concurrence est forte.

On immole les régions éloignées sur l’autel de la mondialisation . On a choisi le « paraître » du porte-étendard aircanadien au détriment des canadiens qui occupent encore, contre vents et marées et monopole, le territoire. Mais pour combien de temps encore?

Par exemple, le gouvernement fédéral n’a pas hésité à utiliser son pouvoir de taxation pour déplacer en 1994, $75 Millions (2016) de taxes sur les billets d'avion des passagers aériens se déplaçant sur de courtes distances (-de 500km) vers les passagers « obligés » des régions éloignées (+de 500 km). Air Canada se plaignait à ses ex-propriétaires, le gouvernement du Canada, qu’il avait de la difficulté à concurrencer sur les courtes distances avec le train ou l’autobus ou l’auto entre Québec et Montréal ou entre Ottawa et Montréal par exemple. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement fédéral s’est empressé de soustraire les taxes sur les vols entre les villes centres pour doubler les taxes que les passagers des régions éloignées payaient déjà.

Comprenons nous bien : Les citoyens des régions éloignés, insignifiants politiquement et sans accès à l'expertise des universitaires concentrés au bénéfice de la métropole,qui auraient pu informer les élus de cette injustice. Ils ont donc dû payer en plus des tarifs excessifs, les taxes sur leur billet PLUS les taxes soustraites sur les billets d’avion des citadins qui disposaient déjà de nombreuses alternatives de Transports. 
Voilà un geste qui met en lumière, parmi tant d'autres, l’adhésion fédérale au modèle québécois de gestion des régions éloignées insignifiantes politiquement et médiatiquement : un modèlequi est précisé ici-bas. Les revenus au centre et transfert des coûts et des taxes vers les démunis des régions éloignées dépendants du transport aérien. Il fait ainsi la promotion de plus grandes inégalités entre les métropolitains et les territoriaux. Voir document 1994-6 dans l’onglet archives.

Le secondeur : Le gouvernement du Québec

Une concurrence s’installe dans les autres provinces, pourquoi pas au Québec ?

Voici les éléments déterminants du silence et de l’appui du gouvernement du Québec à l’installation des zones de passagers captifs du monopole Air Canada au Québec.

  1. Risque de déménagement du siège social d’Air Canada

    Une épée de Damoclès pend au dessus de la tête de Montréal depuis des décennies. En effet, Air Canada menaçait et menace toujours de déplacer son siège social de Montréal vers Toronto. Pour éviter ce risque, Québec devait donc tout faire pour protéger les emplois à Montréal même si on sait que la grandes majorité de ceux-ci est maintenant à Toronto. Le monopole sera protégé par le gouvernement du Québec et lorsque les territoriaux éloignés crieront trop fort, ils mettront en place des programmes de soutien de quelques millions pour aider ceux des zones lointaines non desservies par la route. Ce sera, en fait, une opportunité pour le monopole d’augmenter ses prix pour s’approprier ce nouveau pouvoir d’achat des passagers aériens sur les lignes régionales.

  2. L’IATA ou l’OACI (Organisation de l’aviation civile Internationale) déménage.

    On apprend sur Wikipédia que cette association a été accusée d’agir comme un cartel et de nombreux transporteurs à bas prix n’en sont pas des membres complets. À cette époque, le gouvernement fédéral fait construire un gratte-ciel sur la rue University à Montréal pour la relocaliser plus confortablement. L’organisation souhaite installer au Canada un modèle de desserte aérienne à l’américaine soit une philosophie par laquelle le transporteur aérien devient l’alimenteur de réseau(feeder) sous forme de "Hub and spokes" ou réseau de desserte en étoile. Ce fut une solution totalement inappropriée pour le Québec. Un simple coup d'oeil à la carte du Québec nous fait comprendre que d'installer un mode de desserte où le hub: le centre est situé dans l’anti centre du territoire desservi, à l'extrême sud ouest de la province démontre une grande incompréhension du territoire québécois. Bref le gouvernement du Québec s'est soumis aux souhaits de l’Organisation, de son membre Air Canada, de la métropole. Il a décidé d'abandonner les régions au prédateur en s'assurant du même coup qu'aucune concurrence n'émerge.

  3. Le modèle québécois de gestion des régions éloignées: Les projets réalisés et l'argent à Montréal ; les études (interminables et redondantes) et les coûts dans les régions

    Cette approche gouvernementale est dans la logique du modèle québécois élaboré dès les années 70, toujours appliqué dans les alcôves bureaucratiques et que résume bien l'Étude des économistes montréalais Higgins, Martin et Raynault (HMR1970) commandée dans les années 60 par le gouvernement fédéral .La première et la plus importante recommandation : Le Québec doit cesser d'investir dans ses régions éloignées et doit concentrer sa richesse à Montréal qui deviendra ainsi une locomotive économique à laquelle les wagons des régions s'arrimeront. La locomotive n'est jamais partie et en mettant tous ses oeufs dans le même panier , le panier québécois a vite fait d'être percé par entre autres les acteurs de la Commission Charbonneau. Cette étude a convaincu le gouvernement de limiter à la seule métropole et accessoirement à la Capitale les investissements socio-économiquement structurants en évitant ceux-ci par tous les moyens dans les régions éloignées. C'est ainsi que l'économiste montréalais Fernand Martin, co-auteur de l'étude fondamentale précitée, est devenu l'expert retenu par le Ministère des Transports du Québec pour 1) la préparation des analyses avantages-coûts des projets de développements des infrastructures québécoises et 2) le calcul de la valeur d'une vie humaine qui peut varier selon que l'on soit dans une région ou le centre. Ceci explique probablement le résultat de la dernière étude d'impact sur le Pont de Tadoussac dans laquelle l'analyse avantage-coût a été systématiquement faussée en multipliant par 3 le coût d'un pont et en divisant par 3 le coût des traversiers. C’était la formule privilégiée par les fonctionnaires pour protéger leurs emplois à la traverse mais aussi par la métropole qui se réservait les revenus disponibles pour le développement d’infrastructures. Les conséquences désastreuses de ces analyses faussées se mesurent dans ce cas en centaines de millions de dollars dépensés pour des traversiers agrandis  qui empireront la dangerosité de la route.

    Bref! en matière de transport routier, l’interdiction d’investissements structurants hors du territoire de Montréal et sa périphérie ont eu et ont des effets dévastateurs sur le tissu socio-économique des régions  éloignées . Une étude de deux économistes montréalais, en 2003, 33 ans après l'étude HMR70 a démontré l'échec de ce modèle centralisateur donc l'application pourtant se poursuit près de 50 ans après sa mise en place(RIP-HMR70 voir l'étude).

Ces trois éléments expliquent l’acharnement que met le gouvernement du Québec à proposer des programmes de quelques millions pour abaisser le prix des tarifs aériens pour certaines personnes nettement défavorisées par l’éloignement et l’absence de lien routier. Ce faisant il maintient les chasses gardées du monopole au Québec et conséqueffent les tarifs aériens excessifs et dissuasifs. 

Les autres provinces n’ont pas à subir ces influences de l’industrie du transport aérien et ont donc pu faciliter l’émergence d’une saine concurrence.

Un transporteur dédié peut déplacer les passagers à coût raisonnable en autant que le monopole ou les feeders soient concurrencés pleinement par des transporteurs intérieurs dédiés aux passagers intérieurs plutôt qu’à leur réseau mondial souvent décrit comme un simili-cartel. Servir les passagers intérieurs obligés, c'est ce que le transporteur Porter a fait en Ontario avec son aéroport Billy Bishop au centre-ville de Toronto.  Les autres provinces bénéficient de l’émergence de transporteurs indépendants du monopole. Le Québec, pour sa part, protège encore le monopole et aucun transporteur dédié à ses clients d'abord n’a donc pu émerger. Le gouvernement québécois a même signé au fil du temps des ententes avec Air Canada pour obliger ses fonctionnaires qui voyagent dans les régions à utiliser les vols d’Air Canada.  Les liens aériens abordables entre le centre et les régions doivent être restaurés pour oxygéner les économies régionales et les extraire de la spirale de désintégration de leur environnement socio-économique dans laquelle elles ont été entrainées malgré elles. Rappelons-nous qu'en Côte Nord comme ailleurs au Québec, l’avion est souvent le seul transport en commun disponible pour accéder aux services dans les grands centres. 

L’acteur : Air Canada et sa vocation d’alimenteur et de prédateur

Les transporteurs indépendants étaient nombreux et florissants avant l'arrivée du monopole. Vous vous rappellerez peut-être de cette époque, au début des années 90,lorsque la filiale d' Air Canada aterrissait dans les aéroports régionaux 6 ou 7 fois par jour avec des prix coupés dans le but d'éliminer toute concurrence. C’était la technique de sursaturation des marchés pour écraser les transporteurs existants. À l'époque, on parlait de duopole puisque Canadian épurait le marché en même temps qu'Air Canada pour démontrer un simili-concurrence. Prenez l'exemple d'Air Madeleine qui décida au milieu des années 90 de desservir Québec-Rimouski, Gaspé et les Îles. Ils ont débuté avec des tarifs raisonnables autour de $250.00 pour un vol aller-retour aux Îles de Québec. Quelques mois après le début de leurs opérations, le duopole Inter-Canadien et Air Canada coupait le même matin ses prix à $199.00 pour le même aller-retour (Pur hasard dira le Bureau sur la concurrence, nous n’avons aucune preuve que ces deux compagnies se sont parlées, donc qu’il y a eu collusion…). Trois mois plus tard Air Madeleine disparaissait. Le Bureau sur la concurrence du Canada expliquait pudiquement que ce n'était pas de la collusion des 2 transporteurs mais bien un "Parallélisme conscient des prix" au même moment sur les mêmes destinations" des deux duopolistes. Voilà une formule alambiquée pour expliquer que le gouvernement fédéral avait décidé de livrer les régions pieds et poings liés au monopole. Celui-ci s'est nourri (feeder) des voyageurs plus riches et obligés des régions éloignées tout en dissuadant par ces tarifs excessifs les modestes usagers qui auraient du se déplacer vers les grands centres pour y étudier ou se faire soigner par exemple . L'objectif du monopole est essentiellement de nourrir son réseau international souvent vers les destinations vacances. Partout au Canada,des dizaines de transporteurs régionaux dédiés à leur clientèle régionale sont disparus devant ces comportement prédateurs endossés par le Bureau de la Concurrence. Comprenons nous bien: ils ne sont pas disparus parce qu'il y avait un manque de passagers mais bien parce que le gouvernement canadien avait choisi de créer les marchés captifs dans les régions éloignés pour promouvoir le monopole, ses anciens employés fonctionnaires et les politiques du simili-cartel de l’OACI.

Ce sont donc les grandes lignes de l’histoire de la dérèglementation du transport aérien au Canada et ses conséquences. Passons maintenant à la question du député Martin Ouellet  de René Lévesque , son comté est situé au nord-est de la rivière Saguenay à une distance variant de 450 à 750 km de Montréal.


Voici donc la requête du député lue sur son site Facebook :

Le monde à l’envers : un billet d’avion pour la Floride coûte moins cher qu’un billet Baie-Comeau-Montréal
Ce n’est pas surprenant quand on sait que les vols régionaux sont 55% plus chers au Québec que dans les autres provinces. Pire encore, les tarifs de l’aéroport de Baie-Comeau sont parmi les plus élevés de la province.

La solution?

  • Stimuler la concurrence à l’aéroport de Baie-Comeau
  • Baisser la TVQ sur les billets d’avion régionaux
  • Réduire la pression financière sur les aéroports pour qu’ils cessent de refiler la facture aux citoyens

Voyez-vous d’autres pistes pour résoudre ce problème?

Alors voici une réponse :

1.Changer les paradigmes

Il faut sortir des paradigmes mis en place par le pouvoir façonnant des autres dont les universitaires et média montréalais, 

Il faut changer les paradigmes. À Montréal , on veut  faire croire que les prix sont élevés parce qu’il n’y a pas assez de passagers.

La vérité c’est qu’il n’y a pas assez de passagers parce que les prix sont devenus trop élevés. Au moment de la dérèglementation à la fin des années 80 , les gouvernements fédéral et provincial ont choisi de laisser le duopole Air Canada et Canadian éliminer tous les transporteurs régionaux indépendants pour pouvoir ensuite surtarifer à outrance les marchés captifs ainsi créés dans les régions éloignées du Québec. Une démarche facile considérant la désorganisation voir l’insignifiance politique de nos régions.

2. Rétablir une véritable concurrence

Bien sûr la solution est de rétablir la saine concurrence de transporteurs dédiés aux passagers intérieurs et d'exclure le monopole alimenteur de la région, mais pour ce faire il faudrait un gouvernement courageux qui ait une vision à long terme et une sensibilité à la plus grande richesse du Canada après ses habitants : son territoire.

 Il faut exclure ce concept que le transport aérien ne doit servir qu'à alimenter. Les autres provinces ont compris ça. L’influence du monopole y est plus limitée et conséquemment les lois naturelles du marché ont permis de mieux desservir les régions éloignées par des baisses de tarifs et une desserte dédiée aux clients plutôt qu’au réseau. En Europe, ces mêmes lois ont vite permis l’émergence de transporteurs dédiés comme par exemple les transporteurs low cost. Au Québec, le formidable pouvoir d'influence  du monopole a empêché, jusqu'à maintenant, l’émergence de ces transporteurs dédiés. Les passagers à destination finale intérieure se sont raréfiés et la fréquence de desserte du monopole aussi. Seuls les passagers à destination finale internationale sont avantagés  un peu comme si dans un pays aussi vaste et peu densément peuplé, la seule chose qui compte, pour le transport aérien, ce sont les vols internationaux pour les vacanciers.

Un colloque sur le transport aérien : Le Fédéral d'abord.

Rappelons que le transport aérien, pour l’essentiel, est de responsabilité fédérale ; donc un colloque du gouvernement du Québec sur le transport aérien régional ne peut pas amener des solutions significatives si le principal acteur est absent et ne prend pas ses responsabilités pour corriger le chaos qu’il a lui-même créé. Le gouvernement provincial ne pourra proposer que de prendre plus d’argent des contribuables pour permettre au monopole de poursuivre sa politique de tarifs excessifs dans les marchés captifs ; les régions éloignées dépendantes du transport aérien poursuivront leur déchéance socio-économique et le centre, la métropole verra sa zone d’influence rétrécir, s’affaiblir et son influence à l’intérieur du Canada continuera de s’atténuer. Rappelons simplement qu’au moment de la dérèglementation Montréal était la métropole du Canada, depuis elle a cédé sa place à Toronto et bientôt Vancouver et Calgary seront plus populeuses.

Perdant-perdant

La formule des marchés captifs sous le joug du monopole aircanadien est une formule perdant-perdant. Bien sûr, la métropole, à l’origine, a vu d’un bon œil des services de transports aériens régionaux déficients qui avaient pour effet d’accélérer l’exode des cerveaux et des retraités et de leur patrimoine des régions vers le centre, mais comme on peut le constater aujourd’hui, cette attitude centralisatrice à outrance a des effets dévastateurs sur le tissu socio-économique des régions autant que sur la métropole elle-même. Diminuer les taxes sur les tarifs aériens est un cataplasme sur une jambe de bois puisque le monopole aura vite fait de s’approprier ce nouveau pouvoir d’achat des passagers régionaux en gonflant ses tarifs d'autant pour récupérer à son profit ces programmes de subventions.

Les points 2 et 3 proposés (Baisser les taxes ou subventionner les aéroports) ne sont pas une solution à long terme. Ils n'amèneront que des colloques récurrents suivis de programmes de subvention au fur et à mesure que le monopole se sera approprié les baisses de taxes ou les subventions aux aéroports. Bien sûr les régions isolées et sans accès routiers doivent et devront être supportées si le mot territoire signifie encore quelque chose. Cependant le noeud du problème est au gouvernement fédéral. Voici donc quelques recommandations.

  1. Interdire la desserte régionale au Québec par le monopole dès que des entrepreneurs dédiés seront en mesure d'entreprendre cette desserte.
  2. Interdire aux transporteurs régionaux de s’affilier directement avec les réseaux alimenteurs ou leurs programmes de fidélisation qui sont aussi responsables des tarifs élevés. Le simili-cartel doit laisser sa place à la concurrence saine.
  3. Supporter pendant le temps nécessaire l’émergence de transporteurs dédiés à la clientèle intérieure par une qualité de service et une fréquence qui s’adapteront progressivement à la récupération des centaines de milliers de passagers qui ont abandonnés ce mode de transport. (Voir document 1994-1)
  4. Revoir les politiques de tarification de NAV Canada de manière à ce que les passagers des régions éloignées ne soient pas pénalisés par ceux-ci et que les coûts des services de navigation aérienne soient répartis sur une base équitable .
  5. Revoir l’ensemble de la desserte de transports aériens au Canada de manière à optimiser les bonnes pratiques et à assurer à tous les canadiens du territoire un accès abordable et des tarifs compréhensibles pour se déplacer en avion à l’intérieur du Canada. Le modèle de desserte à l’américaine que le gouvernement du Canada a voulu copier intégralement n’a pas sa place dans un pays aussi vaste et faiblement peuplé et il doit être repensé. Il y a 300 millions d’américains dispersés sur un territoire plus petit que le Canada. Partout aux USA , on retrouve des villes d’un million de citoyens et plus qui servent de hub, de centre, pour les vols régionaux et pour les vols internationaux. Les distances vers  les communautés qui sont situé à proximité de ces grands centres sont beaucoup moindre qu'au Canada.

Le Canada est immense, n’a pas de ville centre, toutes ses grandes villes sont à proximité de la frontière américaine et on peut  compter sur les doigts de la main les villes de plus d’un million d’habitants. Les distances pour desservir les communautés des régions éloignées sont élevées et les populations desservies sont moins importantes. On doit écarter le modèle américain dissuasif et faciliter l’émergence d’un modèle canadien qui facilite l’occupation du territoire et les échanges entre les communautés.

Pierre Breton
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